LA CERAMIQUE GRECQUE

 TECHNIQUE:

 Malgré ce qu'en disait à la fin du Vème[G1]  siècle avant J.C. le poète Critias, les potiers athéniens n'ont inventé ni la poterie, ni l'usage du tour, qui était apparu à la fin du IVème millénaire au Proche-Orient et s'était répandu de là dans l’ensemble du bassin méditerranéen.

Mais il n'en est pas moins vrai que, grâce à la qualité de ses gisements d'argile et à l'habileté de ses potiers, Athènes produisit pendant plusieurs siècles une céramique sans équivalent dans le monde grec et dont les plus beaux exemplaires atteignent la perfection d'une oeuvre d'art. Cependant, la poterie étant considérée par les Grecs comme une activité artisanale, les textes anciens restent avares de renseignements sur le sujet ; aussi la reconstitution des techniques utilisées à l'époque se base t-elle autant sur une étude minutieuse des objets eux-mêmes que sur la connaissance de l'art du potier, qui n'a que peu changé depuis l'antiquité.

 Extraction de l’argile et mise en forme :
Le matériau utilisé par les potiers athéniens est une argile secondaire riche en oxyde de fer à laquelle la cuisson donne une belle couleur rouge-orangé, Elle était extraite des carrières par blocs que l'on détachait à coups de pic et transportée près des ateliers où elle était entreposée. On commençait tout d'abord par la laisser décanter dans l'eau pendant plusieurs semaines afin déliminer les débris minéraux et végétaux qui risquaient de provoquer des craquelures lors de la cuisson : les impuretés les plus lourdes tombaient au fond du bassin cependant que les plus légères remontaient à la surface. L'argile purifiée était exposée au soleil. On la découpait ensuite en blocs de grosseur moyenne qui étaient mis à vieillir sous un abri afin d'acquérir la plasticité qui les rendait propres à être travaillés. Avant la mise en forme, la pâte était malaxée pour en éliminer les bulles d'air ; elle était alors posée sur un tour, un disque de terre cuite, de bois ou de pierre monté sur pivot et actionné à la main par le potier lui-même ou par un jeune apprenti. Le corps des petits vases pouvait être monté en une seule fois, mais les vases de plus grande taille étaient constitués de trois ou même quatre parties montées séparément et soudées ensemble avec de l'argile délayée qu'on appelle barbotine. C'est avec elle que l'on rapportait aussi sur le vase les parties secondaires tournées ou modelées à part : col et embouchure, pied et anses. Les vases plastiques en forme de tête humaine ou animale étaient faits dans un moule en deux parties dont on tirait une épreuve ; l'embouchure, tournée, et l’anse, modelée, étaient ensuite ajoutées de la même façon. Le vase, une fois complet, était mis a sécher quelque temps.

Le décor :
Sur le fond d'argile orangé du vase, dont la couleur était souvent avivée par un léger lavis d’ocre, le peintre appliquait pour réaliser le décor, ce que l'on a coutume d'appeler à tort, le "vernis noir". Ce matériau, dont on a longtemps ignoré la composition exacte, prend en effet lors de la cuisson la belle couleur noire aux reflets métalliques dont le contraste avec largile orangée caractérise les vases à figures noires et à figures rouges. Il se préparait en fait au moment où le peintre l'utilisait, comme une crème brun foncé obtenue a partir de la même argile qui constituait celle du vase, mais dont on avait gardé, à l'issue d'une phase de décantation dans un mélange d'eau et de potasse, que les particules les plus fines un suspension à la surface
Le peintre commençait le plus souvent par tracer sur les flancs du vase une esquisse de sa composition, a l'aide d'un morceau de charbon de bols qui laissait sur la surface demi-sèche de l'argile un légère indentation encore visible aujourd'hui. Les personnages étaient dessinés nus, les vêtements étant ajoutés lors de l'exécution définitive. Dans la phase la plus ancienne, dite à "figures noires", les personnages étaient silhouettés et les détails incisés à l'intérieur a l'aide d'une pointe, selon un procédé mis au point a la fin du 8ème siècle avant J.C. par les artistes corinthiens. Mais vers 530 avant J.C., les peintres attiques inversèrent le procédé les figures réservées, de la couleur du fond, se découpaient sur le champ recouvert de peinture noire. D'abord définies par un trait de contour, elles étaient ensuite entourées d'une large bande noire destinée a les protéger des coups de pinceaux malheureux qui auraient pu empiéter dessus lors du remplissage du fond. Un pinceau plus large ou une brosse étaient employés pour cette dernière opération, que l'on confiait sans doute parfois a des apprentis. Les détails intérieurs étaient faits avec un pinceau fin. ou peut-être une sorte de "porte-plume" muni d'un réservoir, qui permettait de tracer une ligne notre très fine et d'épaisseur régulière ;on utilisait aussi une argile plus délayée de couleur brun-jaune pour les cheveux, les pilosités ou certains détails musculaires. Aux deux couleurs principales, l'orangé et le noir, s'ajoutaient des rehauts ponctuel s posés par-dessus la peinture noire : le rouge fait dargile délayée mélangée à de l'oxyde de fer, et de blanc, fait d'une argile primaire qui garde sa couleur a la cuisson, Plus fragiles elles ont souvent disparu aujourd'hui, mais il subsiste à leur place une matité grisâtre qui indique qu'elles existaient D'autres couleurs furent mises au point à l’époque archaïque (le "rouge corail" brillant, lui aussi à base d'argile mélangée d'ocre) et surtout à l'époque classique, où toute une palette de couleurs mates était utilisée pour les lécythes funéraires; mais ne pouvant être cuites, elles étaient très peu résistantes et leur conservation pose à présent de gros problèmes.
Une fois la décoration achevée, le vase était lustré avec un chiffon doux, et prêt pour la cuisson. Le potier reprenait alors le cette opération délicate, du succès de laquelle dépendait la perfection définitive des couleurs.

 La cuisson :
Les vases étaient empilés à l'intérieur du four et soumis à une cuisson en trois étapes :

 Phase 1 - Les évents du four sont ouverts ; l'atmosphère est oxydante par la présence de l'oxygène de l'air. La température est portée à 900°C environ. Le fer de l'argile s'oxyde en donnant de  l'oxyde ferrique (Fe2 O3) de couleur rouge.
Le vase devient uniformément rouge.
Phase 2 - On ferme les évents et la température est portée à 950°C. environ. On ajoute du bois au feu; il y a abondance de fumée et l’atmosphère dans le four devient riche en oxyde de carbone (CO) puisqu'il y a manque d'oxygène ; l’atmosphère dans le four est réductrice. Durant cette phase, l'oxyde de carbone CO se combine a l'oxyde ferrique (Fe2 O3) formé en phase 1 pour donner de l’oxyde ferreux de couleur noire et du gaz carbonique C02 qui se dégage ; Le vase devient entièrement noir et la haute température entraîne une vitrification du revêtement ("vernis noir") utilisé pour le décor.
Fe2 O3 + CO = 2 Fe O + C02
Phase 3 - On ouvre les portes du four, et on abaisse progressivement la température à 875°C. environ. L'air pénètre dans la chambre de cuisson et l'oxygène pénètre l'argile poreuse des vases, transformant à nouveau l'oxyde terreux noir (Fe O) en oxyde ferrique rouge (Fe2 O3).
2FeO + 1/2 02 – Fe2 O3
Mais le revêtement argileux qui était "vitrifié" lors de 'la seconde phase reste imperméable et l’oxyde ferreux qu'il contient ne se combine plus avec l'oxygène. Il conserve la couleur noire caractéristique de l'oxyde ferreux.
Le potier devait contrôler très soigneusement le déroulement de ces trois phases pour assurer la réussite de l'opération. Si, par exemple, la température restait trop élevée lors de la troisième phase, l'oxygène pouvait pénétrer le revêtement vitrifié noir et le faire virer au rouge. Beaucoup de vases portent les traces de semblables accidents, ainsi que les marques de promiscuité avec leurs voisins de cuisson Ces imperfections étaient inévitables, étant donné les moyens rudimentaires dont disposaient ces artisans à la technique très élaborée! mais elles n’empêchaient apparemment ni la mise en vente de l'objet sur le marché athénien, ni son exportation jusque en Etrurie et en Italie où ont été trouvés la plupart des vases fabriqués a Athènes.
La technique exposée ici a été redécouverte récemment et avait du être découverte à cette époque par tâtonnement; le secret devait être jalousement gardé et les documents, de ce fait, sont rares Comment, par exemple, le potier pouvait-il apprécier la température dans des plages aussi serrées (900', 950' puis 875°)


Chronologie de la céramique grecque

La céramique grecque s'étend de 6500 av.J.C. à 31 av.J.C

 6500-3200    -           Néolithique
3200-2000    Bronze ancien
2000-1600                Bronze moyen
1600-1100    Bronze récent
1100-900                 Protogéometrique
900-700                   Géometrique
700-620                   Orientalisant
620-540                   Corinthien
635-530                   Figures noires attiques
530-300                   Figures rouges attiques
- 530-500      Invention de la technique. Peintres « bilingues »

- 520-500      Groupe des pionniers : Euphronios, Phintias, Euthymidês
- 500-480      Grands vases: Peintre de Cléophradès, Peintre de Berlin Vases à boire: Peintre de Brygos, Douris
- 480-450      Style classique:  peintre de Pan, peintre de Penthésilée, peintre des Niobides
 - 450-420     Peintre d'Achille, Polygnotos, peintre d'Erétrle
- 420-380      Peintre de Suessula
- 380-350      Appauvrissement de la qualité des la céramique attique
- 350-300      Style de Kertch

- 323-31      Céramique hellénistique, déclin de la céramique, mais tentative de renouvellement, avec, d'une part, des lagynol recouverts d'engobe  blanc sur lequel se détachent des motifs naturalistes bruns et, d'autre part, des bols à relief décorés de peinture polychrome

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